Il était une fois une épicerie de quartier. Un « petit commerce de proximité comme on dirait aujourd’hui. La devanture arborait fièrement fruits et légumes choisis soigneusement. Point de produits gâtés ou d’origine indéterminée. Que du beau, que du frais. La porte passée, il fallait résister à l’envie de plonger sa main dans les arachides qui trônaient dans un grand panier. La crèmerie (et son brie au goût incomparable) avait son secteur, au fond. Non loin de là, la trancheuse était prête à débiter jambon et autres charcuteries. A droite, il y avait aussi une petite zone où s’alignaient fièrement boites de conserves et jus de fruits (ces derniers parfois en petites bouteilles qu’on avait le droit EXCEPTIONNELLEMENT d’aller boire dans l’arrière boutique). L’ambiance était souriante et chaleureuse. Ca sentait toujours bon. On y venait « faire les commissions » mais aussi papoter, de la pluie et du beau temps, du rhume du petit dernier ou du chat de la voisine, ou encore prendre des nouvelles de madame Angèle, qu’on avait pas vue depuis sa mauvaise chute de la semaine dernière et à qui on se proposait d’apporter ce dont elle avait besoin, la pauvre…
Certes la grande distribution a permis de faire entrer la consommation régulière de viande dans les ménages, de faire baisser les prix du caddie moyen (quoique) et d’oublier à quelle saison correspond tel légume (« ah bon, on ne trouve pas de fraises en janvier ? »). La ligne de caisse aligne des hôtesses qui aimeraient qu’on n’oublie pas qu’elles sont bien vivantes. On propose des « concepts à cuisiner » full options (leçons comprises parce qu’on le vaut bien) qui font rentrer le prix d’une Golf dans la cuisine. Topchef, Masterchef et autres truc-chefs se multiplient mais les statistiques confirment la progression de l’obésité chez les plus jeunes pour cause de consommation abusive de sodas et autres plats préparés bourrés d’huile de palme et de conservateurs divers et variés. Les primeurs sont soi disant « traçables « mais arrivent de si loin que cette traçabilité nécessite de bonnes connaissances en géographie ou dans l’utilisation de Google maps.
La dernière qu’il m’a été donnée de découvrir est le nouveau système de paiement über hygiénique mais dramatiquement déshumanisé pratiqué par la nouvelle boulangerie du coin. Quoique j’hésite à utiliser « boulangerie » s’agissant d’un établissement qui cuit sur place des pâtons livrés en camion frigo… La new caisse donc, où on introduit soi même pièces ou billets histoire que la préposée (non, là, le mot « boulangère » je ne peux pas) ne touche pas l’argent avec la même main que celle qui saisit le pain. Je reconnais que la monnaie est un support rêvé pour les bactéries en tous genres et qu’on n’emballe plus le poisson dans du journal depuis longtemps, mais quand même…
Il y a la nouvelle carte de paiement « sans contact » (dont le succès semble se faire toujours attendre), il y a maintenant la baguette sans contact. Dans l’épicerie de ma grand mère, c’était ce contact qui faisait la différence. Et il y avait toujours du monde.
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