Il était une fois une petite fille qui passait ses vacances chez ses grand-parents à Beaulieu sur mer. Elle connaissait le coin comme sa poche, s’était fait des amis chez les petits berlugans (le nom des habitants) et avait pu découvrir, de l’intérieur, les merveilles de l’architecture locale (entre autres). C’est ainsi que depuis toute petite, elle connaissait le nom de la plupart des bateaux du port, se promenait dans les jardins de la villa Eiffel (magnifique demeure de vacances ayant jadis appartenu au génialissime Gustave), arpentait le parc d’Ephrussi de Rotschild (belle bâtisse rose fièrement postée en hauteur de la presqu’île du Cap Ferrat) et revenait plusieurs fois par saison à l’étonnante villa Kérylos, fantasque création de Théodore Reinach (à la fois archéologue mathématicien, historien, musicologue et homme politique français) et de ses frères Joseph et Salomon. La demeure, alors confiée aux bons soins de l’Institut de France, faisait l’objet de visites guidées. Pour la petite histoire (et parce que je sais que vous ne le répéterez pas), l’une des guides étant une amie d’enfance, il est arrivé d’aller à Kérylos nuitamment, ceci dans le plus grand secret. Ces visites étaient toujours empreintes d’un profond respect. Nulle trace de vandalisme là-dedans, bien au contraire. Passé le labyrinthe à l’entrée, c’était comme entrer dans un sanctuaire. Seul le bruit de la mer troublait le silence. Du patio à la bibliothèque, des chambres aux thermes, tout respirait l’élégance et le mystère, l’influence des muses et le génie hérité de la Grèce antique. Cette demeure faisait rêver et constituait un passage obligé, un rituel sacré, une étape rassurante qui montrait que, quel qu’ait été le cours de l’année écoulée, Kérylos était là, immuable face à la mer. Tout allait bien.
Il était une fois un passage chez le libraire (pour les plus jeunes, une libraire n’est pas un supermarché où on trouve en vrac des « trucs à lire », des aspirateurs ou une machine à café signée George, mais un lieu où on fait voyager son imagination, où des personnes curieuses et généreuses vous font partager leurs découvertes, vous guident en fonction de vos goûts et vous proposent des merveilles dont vous n’auriez pas soupçonné l’existence). Au hasard d’un présentoir, une couverture jaune, une photographie, un titre sobre et efficace : « Villa Kérylos », signé Adrien Goetz, déjà connu pour la série des « Intrigues à… » l’anglaise, Versailles, Venise, Giverny… et son héroïne Pénélope. Sobre car minimaliste, efficace car, tel une madeleine de Proust, convoquant en une seconde des années de souvenirs. Le roman, puisque c’est bien de cela qu’il s’agit, raconte l’histoire de la naissance de la villa, à travers les yeux du petit Achille fils (fictif) de la cuisinière (non moins fictive) de Gustave Eiffel (bien réel celui ci), voisin des Reinach. On peut alors découvrir Achille et les enfants Reinach, Achille et les parents Reinach, Achille apprend le grec, Achille part à la guerre, Achille tombe amoureux… Ou comme Kérylos traverse la vie d’Achille, à moins que ce ne soit le contraire…
Pour le lecteur, une immersion dans le début du 20è siècle et la découverte de cette maison unique, qui déclenche passions et jalousies.
Pour lady Pénélope, des retrouvailles avec une vieille complice, qui ne fait pas ses 109 ans 🙂
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